PHARMANEWS
La lettre hebdomadaire de pharmacie.ma
N°671 22 janvier 2023
33655 Destinataires
[ ÉDITORIAL ]
JPIC : Peut-on faire évoluer une profession sans conseils ?

Par Abderrahim Derraji, Docteur en pharmacie
 

Le Syndicat des pharmaciens de Casablanca a organisé, samedi dernier, la 23e édition de la Journée internationale des pharmaciens de Casablanca (JPIC).

Le Comité d’organisation de cette manifestation a réservé la matinée à trois thématiques qui rentrent dans le cadre de la formation continue des pharmaciens. Il s’agit de l’ostéoporose, des épilepsies et des troubles mictionnels.

L’après-midi a été marquée par l’intervention du Pr Jaâfar Heikel, épidémiologiste et économiste, et celle du Dr Amine Cheikh, coordinateur du Centre de bioéquivalence de l’Hôpital Cheikh Zaid, qui ont dressé un état des lieux du système de santé marocain.

Le Pr Heikel a rappelé que le pharmacien est le point d’entrée dans le parcours de soins. Ce professionnel de santé pourrait se voir conférer de nouvelles missions pour permettre une meilleure prise en charge des maladies chroniques comme le diabète qui peut se compliquer en insuffisance rénale. Faut-il le rappeler, les insuffisances rénales terminales représentent 35,1% des affections longue durée (ALD) qui accaparent 75,2% des ressources de la CNSS et 70,4% de celles de la CNOPS.

Le Dr Amine Cheikh a évoqué un contexte international caractérisé par une quête permanente de moyens permettant de réduire le prix des médicaments et des produits de santé. Le Maroc ne fait pas exception même si le volume de ventes ne permet pas de compenser les baisses des prix des médicaments. D'après le Dr Amine Cheikh, il y a fort à parier que des pressions soient exercées sur le secteur pour réduire davantage le prix du médicament qui représente environ 30% des dépenses de santé au Maroc.

Malheureusement, ces baisses, sans aucune compensation, affectent l’économie de la pharmacie, et même celle des industriels qui connaissent des difficultés pour maintenir sur le marché des médicaments non rentables. Les difficultés d’approvisionnement en matières premières et les coûts qui ne cessent d’augmenter ont poussé certains pays à accepter de revoir à la hausse les prix de certains médicaments pour éviter des ruptures de stock de médicaments essentiels comme le paracétamol ou l’amoxicilline.

Le dernier exemple en date a eu lieu en Allemagne, pays où le ministre de la Santé, Karl Lauterbach, a annoncé vouloir augmenter le prix (payé par la Sécurité sociale) de certains médicaments, en particulier des formes pédiatriques d’antipyrétiques et d’antitussifs. Cette mesure courageuse, et non moins pragmatique a été prise pour garantir l'attractivité du marché local. Ce même ministre est également prêt à réformer les règles d'achats pour relancer la production européenne.

La mise en place de nouvelles missions génératrices de revenu constituerait un levier pour améliorer la prise en charge des malades et la rentabilité des officines.

La Belgique constitue un exemple très intéressant, particulièrement depuis le début de la pandémie Covid-19. Durant cette période, la fermeture des cabinets médicaux et la saturation des urgences ont perturbé la prise en charge des malades. Et comme l’a indiqué Fatima Zohra Khayar, membre du Comité directeur de l’Union Pharmacy Brussels, les pharmaciens ont joué un rôle important durant la pandémie. Ils se sont également proposés pour faire des tests de la Covid-19 et pour vacciner les patients. Mais, avant de se voir confier ces deux missions, les pharmaciens ont suivi des formations et ont mené des expériences pilotes. Cette implication du pharmacien a été fort appréciée par les patients.

Les pharmaciens belges ne comptent pas rester en si bon chemin. Ils envisagent de contribuer à améliorer la couverture vaccinale des patients.

À l’instar de ses confrères belges, le pharmacien marocain a joué un rôle essentiel durant la pandémie. Lors de celle-ci, l'accessibilité aux tests Covid-19 a posé des problèmes à de nombreux malades. Les pharmaciens se sont proposés de faire des tests ou au moins les dispenser. Mais, la tutelle a invoqué une fin de non-recevoir !

Lors du discours inaugural qu’elle a prononcé samedi dernier, Ilham Lahlou Khaldi, présidente du Syndicat des pharmaciens de Casablanca, a indiqué que ce refus a favorisé les laboratoires d’analyses et a privé les citoyens de services et des compétences d’un professionnel de santé qui ne demandait qu’à les servir.

En ce qui concerne la vaccination contre la Covid-19, la qualité de l’organisation des campagnes de vaccinations a permis au Maroc de vacciner ses populations dans des délais raisonnables et dans de très bonnes conditions. Par contre, on assiste à une baisse de la couverture vaccinale de la grippe saisonnière. Les patients se vaccinent moins et on a tout intérêt à impliquer les pharmaciens pour améliorer la couverture vaccinale de la grippe. 

Ces nouvelles missions ne peuvent pas être mises en place sans l’implication des Conseils de l’Ordre qui connaissent depuis 2019 de graves dysfonctionnements. Et comme l’a signalé la présidente du Syndicat des pharmaciens de Casablanca, le premier chantier auquel les pharmaciens devraient s’atteler est l’organisation d’élections ordinales en bonne et due forme.

Aujourd’hui, et même si le Dahir de 1976 stipule que les élections doivent être organisées tous les deux ans, les présidents des deux Conseils régionaux ne les ont pas organisées depuis 2019. Et même si les voix des pharmaciens s’élèvent pour leur demander de se conformer à la loi, les présidents n’ont même pas jugé bon d’envoyer une circulaire pour les informer des raisons qui les ont poussés à reporter les élections. Pire, d’autres entités essayent de justifier la situation actuelle en liant les élections au projet de régionalisation des Conseils.

Aujourd’hui, la majorité des pharmaciens déplorent la prise en otage des instances ordinales et exigent l’organisation des élections dans les plus brefs délais. Pour faire valoir leurs droits, ils envisagent deux sit-in devant les Conseils régionaux. Le premier sit-in aura lieu lundi 23 janvier et le second une semaine après.

Aussi, la mobilisation des pharmaciens lors de ces deux sit-in constituera un élément clé pour que la profession puisse se conformer à la loi et se doter de conseillers et de bureaux ordinaux légitimes et habilités à parler en leur nom.  

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